Le post mortem de 15marches : les cinq choses que je referais si je devais tout recommencer

Cette semaine, on vous dit tout ou presque sur ce que nous avons appris en 4 ans de consulting. Le bon, et le moins bon.

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Les 5 choses que je referais si je devais recommencer 15marches

Pour la deuxième partie, les 5 choses que je ne referais pas, allez directement ici.

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler d’une entreprise que vous ne connaissez peut-être que par son blog : 15marches. Après quatre ans de consulting, il est temps de faire le bilan de nos activités et de réfléchir à la suite. Et comme vous êtes mes fidèles lecteur(-ice)s depuis le début, pourquoi ne pas le partager avec vous ?

Je vous épargnerai ici les litanies de chiffres sans beaucoup d’intérêt pour une entreprise de petite taille (pour celles et ceux que cela intéresse malgré tout, l’essentiel est à la fin de cet article). J’ai préféré utiliser une autre méthode empruntée à l’une de mes entreprises favorites : le post mortem de Pixar. À la fin de chaque film d’animation, l’équipe se réunit pour identifier les problèmes apparus pendant et après celui-ci, et trouver ensemble les solutions pour la suite.

Pourquoi formaliser un post mortem ? Faire le bilan n’est jamais facile. On préfère souvent passer à autre chose plutôt que de remuer les problèmes passés. Chez Pixar, chaque membre de l’équipe est invité à décrire en détail :

  • les 5 choses qu’il referait : ce qui a bien fonctionné et qu’il remettra en oeuvre ou recommandera pour le prochain projet
  • les 5 choses qu’il ne referait pas : le contraire

Je vous propose de partager avec vous le bilan de 15marches en suivant la même méthode. Qu’est-ce que je referais si je devais recommencer à zéro (première partie), et qu’est-ce que je ne referais pas (deuxième partie, ici)?

Si le retour d’expériences d’une petite entreprise de conseil ne vous fait pas déjà bailler, poursuivez votre lecture.

Première partie : Les cinq choses que je referais si je devais recommencer

1. Essayer de devenir “champion de monde” de quelque chose

Dans un de ses livres les plus connus, La Vache Pourpre, Seth Godin évoque le parcours de son amie Tracy, qui a quitté l’agence de publicité où elle travaillait pour se mettre à son compte. Tracy commence par envoyer des centaines de lettres à des centaines de directeurs du marketing, sans succès. “Après avoir parlé avec Tracy, je lui ai suggéré de se concentrer sur le créneau le plus étroit possible. Elle avait de l’expérience dans le domaine pharmaceutique. Alors nous avons choisi ce créneau. En fait, nous avons restreint davantage et choisi les chirurgiens plasticiens. Si les laboratoires pharmaceutiques ont besoin de toucher cette cible de façon très efficace, ils devront faire appel à elle. Elle connaît toutes les revues médicales, toutes les conférences et la plupart des médecins. Elle a les listes et les contacts. Elle est unique et exceptionnelle. Toutes les agences de pub travaillent sur ce marché “entre autres”. Pour Tracy, cette cible est son unique cible.”

Après 10 ans dans le secteur des transports publics, j’avais comme Tracy une énorme envie de changer d’air. Changer oui, mais pour faire quoi ?

Deux choix “basiques” s’offraient à moi à l’époque :

  • devenir un consultant spécialisé dans le transport, comme la plupart des collègues qui avaient quitté le groupe avant moi : j’en avais les compétences et les références, mais cela allait à l’encontre de mon envie de changement
  • devenir un consultant spécialisé « dans le numérique” (notion vague qui correspondait à ma vision de l’époque) : j’en avais très envie mais n’avais aucune expérience ni compétences particulières à mettre en avant.

Sur les bons conseils de Seth Godin, j’ai choisi une voie plus étroite : devenir un consultant spécialisé dans la transformation numérique du secteur des transports. Aujourd’hui, ce choix peut sembler opportuniste : en 2017, tout le monde parle d’Uber et de voitures connectées. Mais en 2011 (date à laquelle j’ai choisi de changer), Blablacar s’appelait encore covoiturage.fr. et ses services étaient gratuits. Uber lançait à peine sa troisième ville (Paris) et n’était pas devenu un verbe.

Si vous êtes dans une démarche de changement professionnel, je ne saurais trop vous recommander vous aussi, de chercher en quoi vous êtes “unique et exceptionnel(le)”. Oubliez votre CV et demandez-vous : de quoi êtes-vous objectivement champion-ne du monde ? Quel croisement de compétences, expériences et envies vous donnent une capacité unique de régler un problème spécifique ? Et ne vous inquiétez pas si votre futur champ de bataille est inoccupé : c’est au contraire un très bon signe !

Être “champion-ne du monde” d’un domaine ne signifie pas que votre champ d’activités se limite à ce domaine. C’est un terrain de jeu d’où vous allez pouvoir comprendre le reste du monde. Une fois que vous l’aurez conquis, vous pourrez attaquer d’autres marchés. J’apprécie aujourd’hui de pouvoir appliquer ce que j’ai appris à des secteurs aussi variés que la valorisation des déchets, le cloud computing ou l’assurance. Mais il fallait bien commencer quelque part.

2. Ce que je sais, je le partage. Ce que je ne sais pas, je le demande

Si vous regardez quelques sites d’agence de conseil, vous verrez que 95% ont à peu près la même proposition de valeur…Comment se distinguer et être repéré ? Comment exister quand on n’a ni histoire, ni réseau, ni vitrine ? Le point 1. vous a donné une partie de la réponse : une proposition de valeur différenciante. Mais cela ne suffit pas. Il faut “aller au marché” et sortir de la masse.

Oubliez la pub et les cartes de visite sur les salons professionnels. Ayez une véritable stratégie de contenus, avant même d’avoir une première mission. Faites de la veille, écrivez et partagez vos analyses. “Être intéressant avant d’être intéressé”, une formule qui définit le marketing de contenus, ou inbound marketing. Il ne s’agit pas bien sûr de révéler des informations confidentielles sur vos clients. Mais publier des articles et avis plutôt que de se contenter de parler de son entreprise et ses services. Partager des ressources, poser des questions à sa “communauté”, évoquer ses doutes et accepter d’en débattre. Pourquoi se passer de l’avis des autres ? Aujourd’hui la capacité à mobiliser un réseau de compétences et de savoir-faire est plus importante que l’expertise pure.

Autant l’avouer tout de suite, cette stratégie nécessite un peu de travail. 80 articles ont été publiés depuis la création de ce blog en mars 2014. Encore n’est-ce que la partie émergée de l’iceberg. L’écriture nécessite une veille quotidienne sur l’actualité des sujets abordés, lire des articles de fond et assister à des conférences.

Comptez 6 à 12 heures en moyenne par article, de l’idée à la publication. 250 heures par an. Et je ne parle pas de la vingtaine d’essais lus chaque année.En 2016 j’ai complété le blog avec des formats plus courts mais plus interactifs sur les pages Facebook et Linkedin de 15marches. Ils me servent de “banc d’essai” pour tester des concepts et des idées. Je ne cherche pas la viralité mais à diversifier les publics.

Les articles de blog représentent 80% des 300 000 pages vues du site 15marches.fr. Le référencement naturel de nos publications en profite également. Nous avons conçu notre présence en ligne afin qu’à chaque contact avec un contenu publié l’internaute soit à un clic de nos pages corporates : “ce que je lis m’intéresse, allons voir qui a écrit cela”. Et ça fonctionne : en 2016 comme les années précédentes, la trentaine de clients de l’agence a connu nos activités essentiellement par le biais de nos contenus en ligne.

3. La laideur se vend mal

Ce livre de 1953 de Raymond Loewy, grand designer français, est un manifeste pour la perfection de l’esthétique et du fonctionnement des objets et machines qui nous entourent.

Dans le monde du conseil, les machines s’appellent présentations et les objets rapports d’études. Et ceux-ci sacrifient souvent l’esthétique et le bon fonctionnement (design, interface) au profit du « contenu » (le texte). Beaucoup de cabinets de conseil considèrent qu’investir dans une prestation de design graphique est un luxe réservé à certains gros projets. Par ailleurs, cela va à l’encontre de leur volonté d’« industrialiser » la production de leurs études grâce à des « templates » Powerpoint. Le soucis selon moi est plus profond : les cadres français-e-s sont mal formé-e-s au design et à la sémiologie graphique. Ils confondent ces domaines avec la « communication » et n’y attache pas l’importance requise.

Pourtant, l’audience croissante de publications d’ « influences » comme Wired ou Fast Company traduit le succès de magazines qui mettent en avant la qualité de leurs infographies et illustrations. La visualisation de données (dites dataviz) se généralise également sous l’influence de précurseurs comme David Mc Candless.

En France, Usbek & Rica relève également le défi du fond et de la forme. Dans le consulting, Faber Novel a prouvé qu’un investissement dans une grande qualité graphique permet de toucher une audience planétaire.

Sans prétendre rivaliser avec ces exemples, ma grande proximité avec l’agence Pollenstudio m’a permis de trouver le moyen de créer des visuels inspirants et impactants pour nos clients. Au-delà des rendus, l’intérêt est de s’astreindre pour chaque livrable à un travail de conceptualisation et de visualisation. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Certaines de nos présentations sur Slideshare ont été vues plus de 200 000 fois.

4. Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin

“Seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin. À l’ère d’internet, il faut savoir faire les deux” (Geoffrey Moore). Un consultant ne se suffit pas toujours à lui-même. Encore moins suffit-il aux attentes de ses clients. À lui de trouver les bonnes personnes et savoir comment travailler avec elles. Des experts dans un domaine précis, des facilitateurs capables d’accélérer un projet, des prestataires originaux.

Un partenariat fonctionne quand il apporte des solutions nouvelles et meilleures pour résoudre le problème du client. Et qu’il permet à chaque partie prenante de rester dans son rôle tout en contribuant à l’amélioration globale de la solution. Dans tous les autres cas, je conseille d’éviter ces montages. Sous-traiter un job que l’on pourrait faire seul par exemple ne fait que dégrader la qualité de travail et alourdir le fonctionnement (et le coût). Mieux vaut négocier les délais pour pouvoir le faire seul. De même, j’évite soigneusement de travailler pour d’autres consultants en marque blanche (sans que ma marque apparaisse). Je privilégie des co-traitances dans lesquelles 15marches est clairement identifié.

En 2016, quasiment toutes nos missions impliquaient au moins un(e) partenaire extérieur(e).
Ceci nécessite bien entendu d’avoir une approche non-agressive du marché du consulting. Ne pas hésiter à travailler avec des concurrents potentiels. Ne pas non plus faire commerce de son réseau. Personnellement je ne prends ni commission ni marge arrière sur les mises en relation et les apports d’affaires. Si je recommande un(e) expert(e) ou une startup, c’est que je pense sincèrement que c’est le bon/la bonne. De même je ne demande ni n’attend aucune réciprocité de leur part.

Enfin, et c’est essentiel, je rencontre des dizaines de professionnels par an, afin d’établir un premier contact et me faire un premier avis sur leurs compétences. J’y consacre un véritable budget-temps et déplacements bien identifié. Un réseau ne vaut que par le nombre et l’intensité des échanges qu’il permet.

5. L’ascenseur marche dans les deux sens

Peut-être les deux acquis les plus utiles de ces 4 années :

restez humble et curieux  : rien n’est jamais acquis : ce que vous avez gravi, vous serez peut-être obligé de le descendre plus tôt que vous le pensez. Les cimetières sont plein de professionnels leaders de leur secteur. D’où ma devise personnelle (empruntée à Jeff Bezos), « agir comme si vous étiez toujours au premier jour » (Always Day One). Considérez chaque client comme le premier, chaque mission comme votre première, chaque problème comme un nouveau problème. Ne perdez pas votre fraîcheur et votre passion, ne cédez pas à la tentation de la facilité qui vient avec l’expérience. Dans le consulting, le confort s’appelle le copier/coller, le « tri » des clients par intérêt et la condescendance face à ses interlocuteurs. L’humilité et la curiosité me semblent au contraire des qualités indispensables pour comprendre les tendances et saisir les ruptures. À cultiver pour rester dans le coup.

n’oubliez pas d’où vous venez et la chance que vous avez eue : prenez le temps d’aider les autres en retour. Quand j’ai démarré mon activité, j’ai consulté une dizaine de personnes qui m’ont accordé temps, attention et conseils avisés. Certain-e-s sont devenu-e-s des ami-e-s, d’autres des client-e-s, d’autres des partenaires. Beaucoup d’autres m’ont aidé. J’ai toujours en tête la simplicité avec laquelle ces personnes m’ont reçu écouté et conseillé. Retourner l’ascenseur vers celles et ceux qui sont dans la même situation aujourd’hui me semble une obligation morale vers ces premiers « mentors ». Et ça tombe bien : pas une semaine désormais sans que mon avis soit sollicité sur un projet professionnel ou une intervention – bénévole.

Comment répondre à ces sollicitations ? D’abord rester pragmatique : je possède un questionnaire en ligne qui me permet de faire préciser leur projet à mes interlocuteurs. L’envoyer me prend moins de deux minutes, les réponses sont généralement plus longues à venir et les échanges qui suivent plus fructueux. Ne jamais refuser un entretien téléphonique. Pour le reste, se fier à son intuition. J’ai également intégré une association locale qui met en relation « parrains » entrepreneurs et « filleuls » qui aspirent à le devenir. Cela me permet d’aiguiller certaines demandes vers cette association qui dispose d’un vaste réseau de parrains.

Aider les autres et cultiver les rencontres « informelles » reste cependant l’un des plus grands plaisirs de ma nouvelle vie d’entrepreneur. Cela constitue une sorte de laboratoire pour mes idées, me permet de connaître les tendances, comprendre les manières de penser de gens différents et parfois créer des relations durables. Autant de choses que je m’interdisais dans mes activités antérieures.

Ne manquez pas la deuxième partie, les 5 choses que je ne referais pas, en cliquant ici.

Comme promis, pour les féru-e-s de chiffres :

Blog de 15marches

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Article le + lu : Comment rater une startup à 30 milliards de dollars ? 40 000 vues

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Article le moins lu : Culture et transformation à l’ère numérique (le tout premier article du blog !)

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15marches SAS :

Nombre clients : 28 (15 en 2015)

Nombre de devis envoyés : 55 (33 en 2015)

Part de devis rejetés ou sans réponse : 33% (30% en 2015)

Chiffre d’affaires HT (ce que l’on a facturé en 2016): 211 K€. 2016/2015 : + 93%

Marge brute HT (une fois enlevée la co/sous-traitance) : 106 K€. 2016/2015 : + 17%

Taux de staffing (nb de jours vendus/travaillés) : 41%

Part de la marge brute réalisée en Bretagne : 16% (6% en 2015)

Part de la marge brute représentée par le + gros client : 28% (idem en 2015)

Chiffre d’affaires déjà signé pour 2017 à fin janvier : 80% de 2016.

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Merci à Ludivine pour le titre du deuxième chapitre.

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