Pour en finir avec nos préjugés
Les préjugés perturbent nos jugements, nos comportements et nos relations. Vis-à-vis des autres, mais aussi vis-à-vis de nous même. En prendre conscience est un premier pas pour se libérer de leur emprise. Petit guide pour casser le plafond de verre.
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Aujourd’hui c’est le 8 mars, la Journée Internationale des Droits de la Femme. Indispensables pour les uns, inutiles pour les autres, ces Journées ont au moins le mérite de nous rappeler à quel point nous sommes influencés par des préjugés. Que nous en soyons conscients ou non, les préjugés nous empêchent de prendre les bonnes décisions et perturbent nos relations humaines et sociales. Mieux comprendre la manière dont ils agissent sur notre inconscient est déjà un premier pas pour s’en débarrasser. Prendre conscience de leur emprise sur nous et agir pour la surmonter est un grand pas vers le succès. Voici quelques moyens pour y parvenir.
1. Ces préjugés qui nous gouvernent
Si je vous dis :
« Le paradis est l’endroit où :
Les Français sont les cuisiniers
Les Italiens sont les amants
Les Anglais sont les policiers
Les Allemands sont les travailleurs
Et le tout est organisé par les Suisses.
L’enfer est l’endroit où
Les Anglais sont les cuisiniers
Les Suisses sont les amants
Les Allemands sont les policiers
Les Français sont les travailleurs
Et le tout est organisé par les Italiens »…
je suis sûr que vous avez souri. Ces affirmations sont des stéréotypes, ou « généralisation touchant un groupe de personnes et le différenciant des autres » (Wikipedia). Nous en connaissons des dizaines, sur beaucoup de sujets.
Les préjugés sont eux des sentiments que l’on éprouvent vis-à-vis d’une certaine catégorie de personnes, de lieux, de choses. Les préjugés sont le plus souvent basés sur des stéréotypes.
Les discriminations sont des comportements, qui se manifestent généralement sur la base d’un préjugé (Wikipedia, ibid). La discrimination est caractérisée lorsque l’on refuse l’embauche de quelqu’un au prétexte par exemple de sa nationalité ou sa couleur de peau.
Les préjugés influent sur la manière dont nous voyons nos semblables et agissons au quotidien. Malcom Gladwell les décrit ainsi dans son roman Blink : « nos attitudes se construisent aussi dans le domaine de l’inconscient (…). Elles s’élaborent à notre insu. L’énorme ordinateur qu’est notre inconscient avale silencieusement toutes les données émanant de notre expérience, de nos rencontres, de nos apprentissages, de nos lectures,…et se forme une opinion». Ces préjugés peuvent nous conduire à un comportement discriminant dans notre attitude vis-à-vis d’une personne. Ils influent sur la pertinence de notre choix et notre libre-arbitre. Gladwell : « il est troublant de constater que nos attitudes inconscientes peuvent être à l’exact opposé des valeurs que nous affichons ». Il décrit une expérience américaine au cours la moitié des Afro-américains ont établi des liens plus favorables avec les Blancs qu’avec les Noirs. « Ce n’est guère étonnant, puisque tout Nord-Américain est quotidiennement bombardé par des messages culturels associant les Blancs à ce qui est bon ». (NB : vous pouvez-vous vous même faire cette expérience en ligne ici)
Car les préjugés agissent non seulement sur la manière dont nous voyons les autres mais également sur la manière dont nous nous voyons nous-mêmes.
2. Les femmes asiatiques sont-elles fortes en maths ?
Prenez deux stéréotypes assez courants aux États-Unis et en Asie : « les Asiatiques sont forts en mathématiques » et les « femmes sont mauvaises en mathématiques ».
Trois chercheurs (Shih, Pittinsky, & Ambady, 1999) ont fait remplir à des femmes asiatiques un questionnaire portant sur leur groupe ethnique (être asiatique) juste avant de passer un examen de mathématiques. Un autre groupe comparable passa le même examen mais sans questionnaire préalable. Les résultats du premier groupe furent meilleurs que ceux du second. Selon les chercheurs le préjugé « ethnique » avait joué en faveur du premier groupe. À l’inverse, lorsque dans une expérience similaire l’on fit prendre aux femmes du premier groupe conscience de leur genre (être une femme), leurs résultats furent plus faibles que le second groupe exempt de questionnaire.
Dans la même veine, le consultant Patrick Scharnitzky expliquait lors d’une conférence comment l’un de ses clients, une grande enseigne de distribution, éprouvait des difficultés à recruter des jeunes à des postes peu qualifiés. Leur procédure de recrutement était la suivante : les jeunes étaient sommairement accueillis, puis invités à s’asseoir dans une pièce pour remplir un questionnaire écrit pendant un quart d’heure. Résultat : les entretiens qui suivaient se passaient mal, et beaucoup de jeunes ne donnaient pas suite. Que s’était-il passé ? Cette procédure écrite leur rappelait leur échec scolaire et leur faisait « perdre leurs moyens ». Ils avaient intériorisé le préjugé dont ils craignaient être les victimes de la part des recruteurs.
La procédure a été remplacée par un échange oral, et le problème a été résolu.
Pour revenir à notre Journée du 8 mars, il semble que la difficulté à s’imposer dans un monde dominé par les hommes ne viendrait uniquement des préjugés des hommes sur les femmes. Elle viendrait également des préjugés que les femmes ont sur elles-mêmes. Le fameux « plafond de verre » serait d’abord dans la tête de celles qui en sont victimes. C’est en tout cas la thèse développée par Sheryl Sandberg, la n°2 de Facebook dans son livre Lean In. Elle nous explique comment casser le plafond de verre qui est en nous.
3. Montez sur la table !
En s’adressant aux diplômées du Barnard College en 2011, Sheryl Sandberg commence par leur rappeler la chance qu’elles ont d’être nées aux Etats-Unis, un pays où la loi garantit l’égalité. « Mais la promesse de l’égalité n’est pas l’égalité : il faut se rendre à l’évidence, les hommes mènent le monde. » Elle encourage par conséquent les femmes à poursuivre leur but et leur passion « tout au bout, jusqu’au sommet ». Les femmes doivent penser plus grand (think big), être plus ambitieuse. « Le leadership appartient à celles qui le prennent ». Or, lorsqu’elles réussissent, les femmes attribuent leur succès à leur équipe, leur entourage, à la chance, au travail, alors que les hommes interrogés attribuent leur succès à…eux-mêmes. Et Sheryl de conseiller aux femmes de « lever la main » pour prendre la parole et se mettre en avant lorsqu’elles sont aux côtés de ces hommes.
La suite nous est fournie dans cette lettre émouvante, publiée par une jeune journaliste du magazine Wired à l’occasion des 20 ans du journal.
« Chère Sheryl ;
J’avais quitté le collège depuis un an quand j’ai entendu votre discours d’ouverture au Barnard College en 2011.
J’avais quitté un travail stable pour un stage mal payé dans l’espoir de devenir écrivain. J’avais perpétuellement peur – peur de ne pas être assez qualifié, d’échouer, de passer pour une imposteuse. Mais vous entendre dire « laissez les barrières face à vous – et il y aura des barrières – être extérieures, pas intérieures » était exactement ce dont j’avais besoin. Bien sûr, toutes les femmes ne peuvent pas suivre votre chemin. Vous êtes passées de prof d’aérobic à l’école à diplômée de Harvard puis la Banque Mondiale. Votre ancien professeur Larry Summers était si impressionné qu’il a fait de vous la cheffe du Département du Trésor. Vous avez pris le risque d’entrer dans un jeune compagnie appelée Google puis êtes devenue Directrice des Opérations chez Facebook. C’est un sacré bout de chemin.
Mais j’essaie au moins d’aller de l’avant, grâce à vous. Certains jours je le fais mieux que d’autres. Les challenges les plus difficiles auxquels j’ai dû faire face sont les plus subtiles, ceux que vous avez su si bien souligner. C’est me convaincre de « m’asseoir sur la table » quand instinctivement je voudrai me cacher dans un coin de la pièce. C’est prendre la parole quand je transpire de trouille. C’est demander plus de responsabilités quand je dois retenir mes larmes tellement j’ai peur. C’est dans ces moments là que je vous suis si reconnaissante pour la manière dont vous prenez des initiatives et parlez au nom des femmes. Je ne suis pas toujours d’accord avec les conditions d’utilisation de Facebook et je n’aime pas toujours ses produits. Mais je vous apprécie vous. Et je sais que le plafond de verre n’est en vérité que des lignes de mauvais code. En progressant, je prendrai soin de les réécrire.
Merci à vous. »
Alexandra Chang, Journaliste, Wired.
J’espère que ces quelques conseils vous aideront à vous aussi « aller de l’avant » et à vaincre vos préjugés. Peut-être pas comme Sheryl, mais au moins comme Alexandra.
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La lettre en version originale (anglais) ici.
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