Quand la Silicon Valley dévore l’automobile

Uber, Blablacar, voiture autonome, routes intelligentes…la voiture semble en pleine révolution. Avec l’avènement des technologies mobiles, le secteur automobile fait désormais partie intégrante d’un écosystème beaucoup plus large, et son avenir semble entre les mains des géants du net. Découvrez quelle est la vision de ceux qui pensent l’avenir de ces technologies.

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Quand la Silicon Valley dévore l’automobile

Jusqu’à la fin des années 2000, l’automobile était affaire de géants industriels bien établis. Innover consistait à ajouter quelques fonctionnalités chaque année aux modèles existants et à sortir un nouveau modèle tous les 3-4 ans. Les motoristes amélioraient par petites touches les performances de moteurs dont la technologie de base date du 19ème siècle. Si certains osaient prédir la fin du tout-automobile, bien peu pariaient sur sa révolution : la dernière “startup” connue dans le domaine était… Chrysler en 1925.

Mais ça c’était avant. Avant que la crise de 2008 ne conduise ces mêmes constructeurs au bord de la faillite. Avant que le smartphone ne remplace la voiture dans le coeur des jeunes générations. Avant que la sortie de la Tesla Model S démontre que l’on pouvait produire en moins de 10 ans non pas la meilleure voiture électrique, mais la meilleure voiture du monde tout court. Avant le développement exponentiel de startups comme Uber, Lyft ou Zipcar.

Depuis, le monde du transport regarde vers la Silicon Valley pour connaître son futur. Les grands constructeurs et équipementiers y ont installé des centres de recherche et d’innovation.

Centre de recherches auto Silicon Valley - 15marches

Les journalistes n’écrivent plus sur les derniers concept cars mais sur les dernières alliances stratégiques des marques avec les tech companies. Le CES de Las Vegas et le NAIAS de Detroit ont vu l’officialisation de mariages d’un genre nouveau : Ford avec Google et Amazon, GM avec Lyft et Sidecar,…peu avant, les constructeurs allemands avaient réussi à racheter Here, la solution de cartographie de Nokia, à la barbe d’Uber. Relisez ces deux dernières phrases à nouveau et rendez-vous à l’évidence : l’automobile est en train de vivre sa plus grande transformation depuis sa création. Et comme souvent quand le numérique pénètre un secteur, rien ne sera plus comme avant. Où va l’automobile ? Quels seront les grands équilibres de demain ? Que restera-t-il des acteurs du secteur ?

Pour cela, il semble utile d’écouter celles et ceux qui portent le discours de la Silicon Valley. Andreessen Horowitz est connu pour sa capacité à anticiper le business des technologies. Early investor dans Facebook, Airbnb, Pinterest, Twitter,… l’entreprise de capital-risque de Menlo Park a soutenu très tôt des startups comme Lyft ou encore Local Motion. Ne prenez donc pas ce qui va suivre comme une analyse d’experts indépendants mais bien comme le point de vue d’investisseurs qui ont un intérêt direct à ce que le “marché” croit en leur vision. Cela n’enlève rien à la pertinence de leurs analyses. Surtout lorsque c’est Benedict Evans, spécialiste du business mobile chez Andreessen-Horowitz qui s’y colle. Son approche de l’automobile est par conséquent fortement teintée de sa vision des changements récents impulsés par le mobile, le cloud et les grandes plateformes technologiques. Dans un podcast intitulé “quand la voiture entre en collision avec les technologies” (à écouter ici), Benedict développe un article publié précédemment sur son blog : Ways to think about cars (à lire ici). Je vous en résume ici la vision.

Selon l’analyste, 4 grandes tendances vont modifier le business de l’automobile sous l’impulsion des entreprises technologiques :

  • la généralisation de véhicules électriques performants et accessibles à tous
  • les on demand services (des services comme Uber qui permettent de se déplacer en ne payant que l’usage)
  • la voiture autonome
  • la connectivité des voitures et leur “plateformisation” (capacité à accueillir des services numériques créés par des tiers)

Chaque tendance prise individuellement porte d’importantes ruptures. La manière dont elles se combineront dans le temps déterminera l’ampleur et la vitesse des changements.

1. La voiture sera électrique

Longtemps maltraitée par les constructeurs, la voiture électrique connaît un retour grâce notamment à Tesla Motors, une entreprise implantée dans la Silicon Valley. Son fondateur Elon Musk a prouvé que la voiture électrique pouvait être beaucoup mieux qu’une (mauvaise) version électrique de modèles existants. Avec ses Roadster, Model S et Model X, Tesla a conquis un marché de riches conducteurs soucieux de performance routières et écologiques.L’arrivée prochaine du Model 3, doté d’un prix et d’une autonomie comparables à d’autres véhicules thermiques, doit permettre à la marque de vendre 500 000 véhicules par an. Surtout, la rapidité avec laquelle Tesla a développé son offre de batteries, voitures et chargeurs a suffisamment impressionné ses concurrents pour que chacun se lancent à sa poursuite. Quels en seront les conséquences pour la filière automobile (ne parlons pas de la filière pétrolière) ? La voiture électrique ne nécessite qu’une douzaine de pièces mécaniques, contre plusieurs milliers pour la “thermique”. Son entretien en est infiniment plus simple, ce qui aura un impact sur la filière de maintenance et réparation. Son coût de fabrication- hors batterie – est nettement moins élevé. Comme pour le mobile, on pourra trouver des élements de carrosserie, de chassis et d’aménagements intérieur “sur étagère” chez d’innombrables fournisseurs. Certains sont même déjà en open source. Nul doute que les logiciels qui feront fonctionner ces voitures seront également standardisés et “commoditisés” (accessibles facilement et à la demande). Construire une voiture sera infiniment plus simple et moins coûteux en capital qu’aujourd’hui, permettant des marges plus élevées à un plus grand nombre d’acteurs. Comme pour le PC et le mobile. La valeur se déplacera du moteur vers des éléments plus sensibles comme les batteries et le réseau de rechargement.

2. La voiture sera “à la demande”

Le pli est pris : un nombre grandissant de personnes dans le monde utilisent des services de transport comme Uber, Lyft ou Blablacar. Leur croissance est même plus rapide dans les pays où ils se sont implantés le plus récemment : la force de leur marque, leur caractère trans-national (même appli partout dans le monde) et l’attrait des plus jeunes pour ce type d’usages laissent entrevoir un avenir radieux. Comme pour le mobile, le passage à de grandes plateformes mondiales contribue à un “effet réseau” très puissant. Peu importe le modèle de téléphone et l’opérateur tant que vous avez accès à “votre” environnement de communication. Cette standardisation contribue également nous dit Benedict Evans à un changement dans la manière de choisir et d’acheter les véhicules. Pourquoi acheter une voiture si le coût d’usage d’un service comme Uber est identique à ceux de la possession, de l’entretien et du stationnement ? En deça de 15 000 km par an le choix budgétaire est déjà au détriment de la possession dans les grandes villes. Le succès de ces services change également la manière dont les voitures sont achetées. Si votre voiture devient une “commodité” comme le PC de bureau ou votre téléphone pro, qui la choisira demain ? Vous ou le service compétent dans votre boîte ? Un gestionnaire de flottes ? Sur quels critères se basera-t-il pour ses choix ? La voiture devra s’adapter. Certaines Toyota par exemple sont déjà optimisées pour être louées. D’autres véhicules n’ont plus de place passager à l’avant (Volvo X90 ci-dessous).

3. La voiture sera autonome

Plus de 25 entreprises se sont lancées à la poursuite de Google et sa Google Car. Certaines comme Ford (voir plus haut) ont choisi de s’associer au géant de Mountain View. D’autres redoutent de “devenir le Foxconn des sociétés technologiques”. Dans ce jeu de chaises musicales planétaires, malheur à ceux qui resteront debout : la voiture autonome nécessite des technologies hardware de pointe mais également et surtout des capacités logicielles de cartographie, d’interfaces utilisateur et d’intelligence artificielle. Pas évident pour des constructeurs qui ont toujours considéré ces domaines comme des accessoires sous-traités à des équipementiers. À l’inverse, la voiture vue par la Silicon Valley pourra être mise à jour comme un simple OS de smartphone : “on pourra passer de SUV à Sport pour 1500$ via un AppStore” imagine Ben Evans. Les heureux possesseurs de Tesla Model S ont vu leur voiture dotée de la fonction autopilot par une simple mise à jour en 2015.

Mais au-delà de ce premier cercle de préoccupations, Ben Evans nous demande de réfléchir à ce que sera la ville si tout ou partie des véhicules qui y circulent étaient programmés par ordinateur, autonomes et coordonnés. Si un véhicule se trouve devant votre porte à 7h30 chaque matin, garderez-vous le vôtre ? Si ces modes se développent, à quoi ressemblera une ville, un centre commercial, un quartier, dans lesquels ne circuleront que des voitures à la sécurité maximale et la vitesse optimisée ? Des véhicules qui n’ont pas besoin de signalisation ni de parking ?

Ce sont des pans entiers de l’ “économie d’avant”, basée sur la compétition territoriale, qui seront bouleversés. Les composantes du prix de votre maison, de votre bureau ou de votre commerce,…ne sont-ils pas dépendants de sa situation ou de son accessibilité ? Quid si ces différences sont aplanies par une mobilité idéalement distribuée ?

4. La voiture sera la nouvelle frontière des tech companies

Selon l’expert d’Andreessen-Horowitz, il existe très peu de marchés de taille mondiale : la brosse à dents, les chaussures, le smartphone et… la voiture. Et après le smartphone, quel est le marché qui rassemble clients et marge potentielle ? La voiture. Ce qui explique que les géants du numérique, après avoir contribué à développer le premier (près de 2 milliards de terminaux vendus en 2015), s’attaquent désormais au second. En un temps record, ils ont constitué le meccano industriel de demain : véhicules, batteries, moteurs électriques, cartographie, logiciels de pilotage et de gestion de flottes, plateformes de mise en relation avec les clients. Reste l’outil de production…Tesla a choisi de tout construire en Californie. D’autres comme Google semblent privilégier les partenariats. Apple laisse planer le doute comme à son habitude. La position des géants technologiques évoluera selon la combinaison des différents facteurs évoqués plus : selon que les voitures soient d’abord connectées, puis mises en réseau, puis autonomes,…

Tout cela n’arrivera jamais pensez-vous… Comme pour le web et le mobile auparavant, de très nombreux obstacles sont encore à franchir pour passer de cette vision à la réalité. Mais la promesse est à la hauteur de l’enjeu. Nos villes, nos économies et nos vies ont été façonnées par notre rapport à l’espace et à l’automobile. Elles le seront peut-être à l’avenir par l’internet et les technologies mobiles. 

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Carte des centres de recherche auto dans la Silicon Valley. Source : ici

Vidéo « c’est le rush », source ici

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