Tesla Motors : et si le rêve d’Elon Musk devenait réalité ?

Tesla Motors n’est pas qu’un constructeur de voitures de luxe. C’est l’une des entreprises technologiques les plus innovantes du monde, dont l’ambition est de débarrasser l’humanité de sa dépendance au pétrole. Elle est aujourd’hui au bord de réaliser son ambition première : mettre une voiture électrique à la portée de chacun.

15marches est une agence d’innovation
Découvrez nos offres

[Quatrième article d’une série de 5 sur Elon Musk. Retrouvez les précédents ici .]

Tesla Motors, et si le rêve d’Elon Musk devenait réalité ?

1. Un concept révolutionnaire

Nous sommes en 1997. Deux ingénieurs en informatique, Martin Eberhard et Marc Tarpenning lancent le Rocket eBook, une sorte de liseuse électronique. En pleine bulle de l’internet, ils revendent leur startup pour 187 millions de dollars à un conglomérat de médias. Les deux ingénieurs se retrouvent riches, sans entreprise mais pas sans projet. La Guerre du Golfe et la Conférence de Kyoto ont éveillé chez eux la conscience qu’il fallait sortir leur pays de sa dépendance au pétrole. Pour cela ils vont s’intéresser à une automobile hors du commun : la Tzero, sorte de voiture de sport bricolée par une communauté de passionnés de technologies en Californie, AC Propulsion.

La voiture prend un peu l’eau par temps humide, mais son couple phénoménal vous propulse de 0 à 100 km/h en 5 secondes. Ah oui, j’oubliais : le moteur de cette voiture est…électrique. Il présente aussi la particularité d’être alimenté par des batteries lithium-ion, du même type que celles qui équipent les appareils électroniques. Produites à des centaines de millions d’exemplaires, elles constituent une ressource “scalable” qui séduit nos entrepreneurs de la Silicon Valley. Après avoir essuyé un refus d’AC Propulsion, ils décident de construire seuls leur propre véhicule. En 2003, ils créent Tesla Motors, dont le nom rend hommage à Nikola Tesla, l’inventeur du moteur électrique à courant alternatif (le fameux “AC”). En 2003, Elon Musk rencontre les deux fondateurs et investit 6,5 millions dans le projet de Tesla Motors pour “changer l’équation économique du pays”.  Celui qui vient de créer SpaceX n’a pas arrêté de “penser beaucoup à la voiture électrique” depuis ses études. Dès 2003, leur business plan ne laisse aucun doute sur leurs ambitions.

tesla business plan - 15marches

2. Des “nerds” dans l’industrie

Aucun des 5 hommes n’a d’expérience significative dans l’automobile, ni même dans l’industrie. Leur idée de départ était de se concentrer sur les technologies à forte valeur ajoutée – la batterie et le moteur électrique – et de sous-traiter le reste. La première maquette du Roadster est fabriquée en Angleterre : ils l’aiment tellement qu’elle les suivra sur une remorque jusqu’au Festival Burning Man, dont Musk est un habitué. Quand la Silicon Valley rencontre l’automobile…
En 2005, 18 personnes construisent un premier prototype de Roadster sur une base de Lotus Esprit. Musk remet 12 millions de dollars avec d’autres investisseurs dont ses amis Larry Page et Serguei Brin les fondateurs de Google. Mais Détroit ne s’est pas faite en un jour : l’équipe apprend à ses dépens que construire une voiture en série n’est pas aussi simple que de construire un prototype. Les sous-traitants snobent les Californiens. L’assemblage de batteries taïwanaises dans une usine en Thaïlande s’avère un fiasco. Les tests d’incendie sur une vingtaine de batteries révèlent que celles-ci s’embrasent facilement et fortement. Or leur projet prévoit d’assembler 7000 batteries par véhicule…Alors que Elon-le-vendeur a déjà annoncé la sortie du Roadster, Musk-l’ingénieur constate qu’ils en sont très loin. 

3. Near Death Experience

En 2007 la situation est critique : alors que la Roadster a reçu des centaines de premières pré-commandes de riches technophiles, Elon Musk doit remettre 40 millions de dollars avec d’autres investisseurs. Devant l’ampleur des retards, il prend la décision de virer Eberhard et devient CEO de Tesla Motors en plus de SpaceX. Ses semaines deviennent infernales. Les batteries ne sont pas le seul problème : la puissance de la voiture fait littéralement voler en éclat la transmission à deux vitesses du bolide. Aucun fournisseur ne semble capable de résoudre ces difficultés. Le coût de développement initial, estimé à 25 millions, atteint 140 millions. La sortie de la Roadster, annoncée en grande pompe pour 2004, n’est plus attendue avant 2009 !

L’autre aventure d’Elon Musk, SpaceX, ne va pas mieux. Ses trois premiers lanceurs ont explosé en vol. Tesla et SpaceX ont déjà englouti 100 millions de dollars de sa fortune personnelle. Leur burn rate (quantité de cash dépensé) atteint 4 millions de dollars par mois. Ajoutez à cela des déboires conjugaux : il n’en faut pas plus pour que la presse se déchaîne contre l’entrepreneur et ses “lubies”. Mais Elon Musk est un obstiné : il réussit à restructurer le capital de Tesla et maintient en vie les deux entreprises sans changer de cap. Le 4ème lancement de SpaceX est le bon : le Gouvernement Fédéral lui passe une commande de 1,6 milliard pour 12 vols spatiaux. SpaceX est sauvée. Intéressés par la technologie de Tesla, Daimler et Toyota lui commandent 4000 packs de batteries et moteurs électriques pour leurs véhicules. Le constructeur allemand prendra même 10% du capital, apportant 50 millions d’argent frais. Tesla est sauvée. Diarmuid O’Conell, un ancien du Renseignement Militaire devenu Vice-Président en charge du Business Development, décroche dans la foulée un prêt fédéral de 465 millions de dollars pour développer les énergies propres. Ce n’est rien à côté des 85 milliards prêtés par le Gouvernement aux Big Three (lire ici), mais c’est suffisant pour permettre à Tesla Motors de sortir le Roadster et annoncer ses prochains modèles. La crise sourit aux outsiders.

4. Construire la meilleure voiture du monde

En 2010, Tesla Motors est en passe de gagner le pari de ses fondateurs. La Roadster est enfin livrée aux clients assez fous pour l’avoir attendu près de 3 ans. La dernière introduction en bourse dans le secteur automobile était…Ford en 1956. Celle de Tesla en 2010 sera un succès : l’entreprise lève 226 millions de dollars. Comme un symbole, Tesla va racheter l’usine GM-Toyota NUMMI de Fremont, étendard de la puissance de l’automobile des années 80-90 : l’un des plus grands bâtiments industriels jamais construit (l’équivalent de 90 terrains de football). Tesla y produira la Model S en réalisant quasiment tout sur place.

Le monde découvre l’usine du futur : un sol blanc immaculé, une automatisation extrême et une organisation lean : les ingénieurs travaillent au contact des ouvriers dans des espaces ouverts qui favorisent la collaboration (sur les méthodes de travail de Tesla, lire ici). Les filières automobiles et énergétiques découvrent avec effroi l’automobile version Musk : un moteur de la taille d’un melon et à peine une douzaine de pièces mobiles renvoient les garagistes au rayon des antiquités. Son efficacité énergétique rend possible une recharge par batteries autonomes ou alimentées par le soleil. Bourrée d’électronique et connectée en permanence à internet, la Model S assiste le conducteur grâce à un écran tactile de 17 pouces. Les mises à jour de cet “iPhone sur roues” se font par Wi-Fi pendant la recharge nocturne. Au petit matin vous découvrez que votre voiture sait se garer toute seule…

5. Vers l’infini et au-delà

La sortie en fanfare de la Model S cachait des difficultés techniques qui précipitèrent l’entreprise dans la tourmente. L’action énergique de Musk et un dernier coup de poker évitèrent au dernier moment la revente de l’entreprise à Google (lire ici). Fin 2013 cependant l’horizon semble – enfin – dégagé. Les acheteurs restent fidèles malgré les retards. L’entreprise est profitable pour la première fois depuis 10 ans. Le cours en bourse passe de 30 à 200 $ en quelques mois. La valorisation atteint plus de 30 milliards de dollars. Tesla rembourse le prêt fédéral avec 9 ans d’avance. Surtout, l’entreprise commence à être prise au sérieux après avoir été ignorée par la profession. Elle annonce la sortie prochaine de deux nouveaux modèles : la Model X, un “SUV” prévu pour la famille (sorti en 2016), et surtout la Model 3, une voiture électrique accessible grand public. Le prix de cette dernière, moins de 35 000 euros, et une autonomie de 500 km devraient lui ouvrir un large marché. La Model 3 n’est pas une simple voiture : c’est le véritable objectif qu’avait Musk en développant Tesla. Un rêve pour lequel il aura dépensé la moitié de sa fortune acquise dans sa jeunesse (l’autre moitié étant partie dans SpaceX).

Comment Tesla a-t-il pu réussir ce tour de force en à peine 10 ans ?

Tout d’abord parce que la stratégie d’entrée par le haut-de-gamme a réussi. Les amateurs de voitures de luxe n’ont d’yeux que pour les courbes et les performances de la Model S. La marque fait rêver dans le monde entier. Ensuite parce que Tesla a réussi à “passer à l’échelle” au bon moment : pour la production de voitures, avec le rachat de l’usine MUNNI et des méthodes révolutionnaires; pour la production de batteries, avec la construction des GigaFactories en partenariat avec Panasonic. La construction d’un réseau de Superchargers, lancés en 2012 permet dès aujourd’hui de traverser l’Amérique sans risquer la panne, et sans payer.

Surtout, Tesla a eu l’audace d’ouvrir tous ses brevets au public. Dans une industrie jalouse de ses innovations, ce coup de poker lui garantit que de nombreux constructeurs, actuels ou futurs, vont utiliser ses technologies plutôt que de se lancer dans une compétition coûteuse. Pourquoi ouvrir ses brevets ? Lisez ce qu’ils en disent sur leur site : “Le leadership technologique n’est pas une question de brevets (…) Il dépend surtout de la capacité d’une entreprise à attirer et à motiver les ingénieurs les plus talentueux dans le monde. Nous sommes convaincus qu’appliquer la philosophie de l’open source à nos brevets ne fera que renforcer plutôt que d’amoindrir la position de Tesla dans ce domaine”. Envoyé en 3 exemplaires à tous ceux qui mesurent encore l’innovation au nombre de brevets.

Avec la sortie de la Model 3 annoncée ce 31 mars 2016, le monde entier attend Elon Musk au tournant. Le Sud-Africain saura-t-il conquérir un autre public que les riches technophiles en mal de bonnes actions environnementales ? Atteindra-t-il les 500 000 véhicules produits ?

Je pense pour ma part qu’Elon Musk a déjà réussi son pari. Le fait que la principale concurrente du Model 3, la Chevy Bolt, soit sortie la première n’est pas une défaite. Au contraire. Que le 5ème constructeur mondial lance un véhicule utilisant la même technologie que la Tesla est un symbole. Le symbole qu’au-delà de ses voitures, fusées ou trains, ce sont les idées d’Elon Musk qui avancent. En moins de 15 ans, le rêve de quelques passionnés est suivi désormais par toute l’industrie du secteur. La vision d’un futur où l’humanité pourrait régler ses grands problèmes grâce à la technologie se matérialise désormais devant nous. Il y a encore de nombreux obstacles à franchir, mais rien ne sera plus comme avant.

[mise à jour : la Model 3 a été dévoilée (voir photo ci-dessus et en en-tête, et la vidéo du show ici). Elle coûtera moins de 35K$, sera dotée de l’auto-pilot d’origine et son autonomie devrait dépasser 400km. 115 000 pré-commandes avait été enregistrées avant même que quiconque ait vu la voiture. 235 000 après 48 heures… Un engouement comparable aux produits d’Apple. ].

Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le partager

Sources : 

www.ashleevance.com

http://uk.businessinsider.com/tesla-the-origin-story-2014-10

Ne manquez pas nos précédents articles :

1/ En attendant Elon : pourquoi le monde a-t-il arrêté d’innover il y a 50 ans : ici

2/ L’enfant prodige : les années avant Tesla ici

3/ Think Big, Act Small : les secrets d’Elon Musk l’entrepreneur ici

Et bientôt notre dernier article sur SpaceX (pour ne rien manquer, abonnez-vous)

Photo d’en-tête : Tesla Model 3

Photo du Burning Man Festival :  Keith Carlsen For the Washington Post

15marches est une agence d’innovation
Découvrez nos offres

Découvrez notre newsletter
Suivre Stéphane