Quand les géants du Net se mettent à la logistique…

La bataille des géants du Net se déplace dans votre rue : dans un futur proche, Amazon, Google ou eBay seront capables de vous livrer vos courses le jour même. Grâce à une maîtrise impressionnante de la logistique, des algorithmes et des moyens de livraison, ils sont en passe d’effacer les dernières contraintes du e-commerce. Et prendre encore plus pied dans votre vie quotidienne.

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La logistique reste le talon d’Achille du e-commerce

Bits contre atomes. Numérique contre physique. Dans la Longue Traîne (2004), Chris Anderson énonçait les avantages du premier sur le second : dans un monde physique où l’offre est limitée par des contraintes matérielles, l’objectif des distributeurs est de minimiser le stock immobilisé et maximiser la rentabilité de chaque m2.

La rareté de l’espace impose la rareté du choix.

Le nombre de produits en vente est limité. L’agencement des rayons est dicté avant tout par des contraintes de logistique.
Le web au contraire a libéré la distribution de ses principales contraintes : une offre de produits très étendue, un parcours d’achat “sans couture”. La possibilité de personnaliser la navigation grâce à des recommandations logiques – la sauce et le vin sont présentées avec les pâtes – et sociales – “ceux qui ont commandé ces pâtes ont aussi acheté ce livre de recettes”. C’est la Longue Traîne de la distribution, le règne de l’abondance et du choix.
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Les prédictions de Chris Anderson se sont vérifiées principalement pour les biens immatériels – musique, vidéo, presse, livres – que l’on peut charger ou consommer à distance. Pour le reste, le e-commerce n’a pas “disrupté” le commerce physique. Si 7 Français sur 10 ont déjà acheté à distance (en ligne et sur catalogue), les ventes sur internet ne représentaient en 2013 que 7% du commerce non alimentaire.

 Le commerce électronique a surtout amélioré l’expérience client, alors que la logistique reste le point faible du modèle économique. Avant que votre imprimante 3D ne fabrique votre dîner sous vos yeux, le e-commerce restera limité par ses contraintes physiques : stockage, expédition, transport et livraison. Une fois l’onglet du site refermé, le distributeur met en branle de bons vieux atomes pour localiser, conditionner et acheminer votre produit jusqu’à votre entrée d’immeuble. De votre côté, il faut vous organiser pour commander à temps et être présent(e) lors de l’arrivée du livreur. Le coût de livraison étant répercuté sur l’acheteur, celui-ci représente un frein très important à l’achat à distance. Kantar Media Compete et Google estiment à 60% le nombre de personnes ayant choisi un produit mais n’ayant pas finalisé leur achat (abandon de panier)

D’où l’invention des concepts “click and collect” ou “click and mortar”, appelés “Drive” en France : je commande en ligne et je passe prendre mes courses dans un lieu situé idéalement sur mon parcours quotidien. Quelques minutes suffisent pour qu’une jeune personne charge les cartons dans mon coffre. Fini le pousse-caddie. La formule est un succès : en France aujourd’hui le Drive pèse plus lourd que les magasins de proximité.

Le concept du Drive peut être amélioré à la marge : des entreprises étudient des dispositifs permettant d’être livrés par votre magasin directement dans le coffre de votre voiture. Mais ces biens devront toujours êtres stockés, conditionnés et acheminés jusqu’à votre coffre.

Pour être adopté massivement dans la vie quotidienne, le e-commerce doit améliorer son point faible : la logistique.

Dans cette compétition, Amazon, présent depuis 1994, a pris une avance considérable. Les ingénieurs d’Amazon ont réalisé depuis longtemps que la vitesse de livraison dépendait du process de traitement de la demande sur toute la chaîne logistique. Les rayons de ses “fullfilment centers” (ne dites pas  entrepôts) ne sont pas organisés selon le sens commun, mais selon le “sens de l’ordinateur”.  Par exemple on ne range pas les livres par catégorie, mais en fonction de l’espace disponible dans un rayon.

« Amazon est devenu si efficace qu’il stocke aujourd’hui deux fois plus de produits dans le même entrepôt que 5 ans auparavant”

Dans la vidéo ci-dessous, le Vice-Président d’Amazon Dave Clarke explique au présentateur de l’émission 60 minutes que les ordinateurs indiquent aux employés l’endroit dans l’entrepôt où ranger chaque produit, en fonction de l’espace disponible.

 Le fonctionnement de ces entrepôts géants de 100 000 m2 fascine Jeff Bezos, le fondateur et PDG d’Amazon : “it’s a symphony of people, it’s a symphony of software, it’s a symphony of robots”. Une symphonie numérique, rien que ça.

La prochaine bataille : la livraison le jour-même

Mais cette avance acquise en logistique n’est rien par rapport à ce qu’Amazon et Google nous préparent au-delà de nos murs, nous prévient Marcus Wohlsen dans un article publié cet été pour Wired.

Pour les petits produits du quotidien, la bataille fait déjà rage dans les grandes villes, entre Wallmart, eBay, Google et Amazon (lire ici). Des coursiers, parfois à vélo, vous livrent le jour même des produits en stocks ou provenant directement du magasin le plus proche. À venir : dans les rues de plusieurs villes américaines, les camions vert AmazonFresh délivreront bientôt votre épicerie le jour même de votre commande.

« Dans les 5 ans, la majorité des biens que nous écrivons sur nos listes de courses : glaces, livres, ampoules,…seront livrables dans la journée (…) Les grandes firmes technologiques, qui ont construit leurs business de plusieurs milliards sur le déplacement de bits, sont en course pour faire de cette science-fiction une réalité. À l’instar du challenge qu’a représenté dans les années 2000 l’équipement des foyers en ADSL (le dernier kilomètre…de connexion), le dernier kilomètre de la livraison sera le challenge technologique des années 2015-2020. La logistique, longtemps le point faible de beaucoup de sites e-commerce, devient centrale.”

 Le dernier kilomètre sera le challenge technologique des années 2015-2020

Depuis que la loi US les a obligé à percevoir les taxes locales , Amazon fait le pari que la livraison de proximité serait l’avenir de l’entreprise. Cette proximité, et la certitude de trouver satisfaction à toutes leurs demandes, devrait conduire ses clients à commander plus. La solution : l’ubiquité, être présent partout avec une flotte de camions qui seront la version 21ème siècle du milkman anglais et du bon vieux facteur.
Des flottes de véhicules de livraison traverseront stratégiquement les quartiers, remplis de biens choisis par les algorithmes des distributeurs, sur la base de l’analyse des comportements d’achat.
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Si ce système trouve son marché, il pourrait se transformer en réseau de camions tournant toute la journée pour vous livrer à peu près n’importe quel produit.

 Amazon promet 500 000 références disponibles pour le jour même, alors qu’un hypermarché en propose au plus 150 000

 Cette vision du futur n’est pas nécessairement réjouissante d’un point de vue environnemental. Elle rappelle celle exprimée par Robin Chase au sujet des Google Cars : selon fondatrice de Zipcar, il faut se préparer à voir circuler plus de voitures, et non moins, qu’avant. “50% des voitures en circulation n’auront personne à bord”, car elles exécuteront des trajets que l’on aurait pu faire à pied, ou – pire – ne feront qu’errer dans les bouchons en attendant d’être appelées par leur propriétaire. Lire l’article ici .

Pour contrecarrer ce risque, Wired nous donne des pistes : ces camions pourraient être utilisés par d’autres fournisseurs. À l’instar de ce que prépare Uber avec ses APis (interfaces de programmation), n’importe quel vendeur tiers pourrait accéder aux informations et utiliser ces véhicules via ces interfaces, sans avoir à passer contrat avec leur propriétaire. Les camions d’Amazon deviendraient ainsi une “commodité”, une ressource à la demande pour tous les marchands. Ce que la firme de Seattle a fait avec ses serveurs (lire notre article sur AWS), elle pourrait le faire avec son réseau de distribution.

Rêvons un peu : la livraison par drône dans 5 ans ?

Dans la vidéo de 60 Minutes présentée ci-dessus, Jeff Bezos révèle le projet fou d’Amazon Prime Air, la livraison par drône. Un octocoptère siglé Amazon arrime la boîte directement dans l’entrepôt, s’envole et  dépose le colis à 2 mètres d’une maison. Ces drônes seront électriques et surtout… autonomes, sans pilote au sol. Pour cela, la livraison sera limitée à un rayon de 15 km autour des entrepôts d’Amazon. Mais elle sera garantie en 30 minutes après la commande. Quand ? “Dans 4 ou 5 ans”, promet Bezos.
Si la livraison par drône a été expérimentée auparavant par une startup australienne, cette annonce par Amazon en a surpris plus d’un.

C’était avant que Google, quelques mois plus tard, ne révèle son propre projet “secret” de livraison par drône, Project Wing.

Google multiplie les achats de compagnies de robotique et compte bien faire le chemin inverse d’Amazon : passer de la recherche sur internet, le search, à la vente de biens et services. Proposer à ses annonceurs de vendre et livrer directement leurs produits, plutôt que de mettre un lien vers…Amazon.

Aussi fous soient-ils, ces projets démontrent que, après avoir conquis nos vies en ligne, les géants de l’internet veulent conquérir notre vie hors ligne : la manière dont nous habitons, nous déplaçons et consommons.

Le combat que se livrent les tech companies se déroule désormais dans la rue. Votre rue.

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